1948-2018 : Un nettoyage ethnique toujours à l'oeuvre


Il y a 70 ans, le 10 mars 1948

le Plan Daleth finalisait la planification

du nettoyage ethnique de la Palestine

par le bureau national de l'Afps 

 

Fin 1947, quand les Nations unis recommandent la partition de la Palestine en un État juif et un État arabe, la Palestine est habitée par un tiers de Juifs et deux tiers d’Arabes palestiniens. Un an plus tard, 80 % de la population arabe palestinienne du territoire devenu israélien vit en exil dans des camps de réfugiés, plus de 500 villages et 11 quartiers de villes palestiniennes ont été détruits ou rasés. Ce nettoyage ethnique a été méticuleusement préparé tout particulièrement dans le Plan Daleth. En quelques mois, les dirigeants du mouvement sioniste ont organisé le « transfert » par la violence et l’intimidation de la population arabe palestinienne.

 

Très tôt, Ben Gourion avait compris que l’achat de terres ne suffirait pas pour mettre la main sur le territoire.

 

À noter que certaines ventes s’accompagnaient de l’obligation pour les anciens propriétaires de quitter le pays. Le président du Fonds National Juif déclarait en 1930 : « S’il y a là d’autres habitants, ils doivent être transférés ailleurs. Nous devons prendre le contrôle des terres. » Selon l’historien israélien Tom Segev « faire disparaître les Arabes se situait au cœur du rêve sioniste, et était aussi une condition nécessaire de sa réalisation. » En 1937 Ben Gourion affirme que : « Les Arabes devront s’en aller ». En 1940, Yossef Weitz écrit : « c’est notre droit de transférer les Arabes ». Par ailleurs, l’Agence juive, l’organisation dirigeante du sionisme en Palestine, avait élaboré un dossier sur les villages palestiniens avec toutes les informations permettant d’étudier « la meilleure façon de les attaquer ».

 

Quand Ben Gourion comprend en 1946 que les Britanniques vont quitter la Palestine, il élabore une stratégie générale contre la population palestinienne une fois les Britanniques partis (plan A, B et C).

 

Quelques mois plus tard fut élaboré le plan D, (Plan Daleth). Ilan Pappe, historien israélien, précise dans son ouvrage paru en 2008 chez Fayard « Le nettoyage ethnique de la Palestine »* que « C’est lui qui a scellé le destin des palestiniens sur les territoires que les dirigeants sionistes avaient en vue pour leur futur État juif. […] le Plan Daleth prévoyait leur expulsion totale et systématique de leur patrie. ». Il démontre dans ce même ouvrage que « Le Plan D israélien de 1948 contient un répertoire des méthodes de nettoyage ethnique qui correspond point par point aux moyens décrits par les Nations unies dans leur définition du nettoyage ethnique, et constitue l’arrière plan des massacres qui ont accompagné l’expulsion massive. ».

 

Les descriptions sont claires : « Ces opérations peuvent être menées de la manière suivante : soit en détruisant les villages (en y mettant le feu, en les dynamitant et en posant des mines dans les décombres). Notamment ceux qui sont difficiles à maîtriser en permanence. Ou en montant des opérations de ratissage et de contrôle conformes aux directives suivantes : encerclement des villages, recherches à l’intérieur. En cas de résistance, les éléments armés seront éliminés et la population expulsée hors des frontières de l’État. »

 

On est très loin du mythe officiel israélien répété à l’envi selon lequel les Arabes palestiniens auraient quitté leur terre de leur plein gré, ou encouragés par les États arabes voisins, lors de la première guerre Israélo-arabe déclenchée le 15 mai au lendemain de la déclaration unilatérale dite « d’indépendance » d’Israël. Avant le 15 mai 1948, les forces juives avaient déjà expulsé par la violence plus de 250 000 Palestiniens, le plus souvent par la terreur, parfois avec des massacres.

 

La Nakba - la catastrophe qui marque la dépossession, les massacres et l’expulsion des Palestiniens de leur terre - est déjà en cours. L’exode de 800 000 Palestiniens n’est pas la conséquence malheureuse d’une guerre mais l’aboutissement d’un plan systématique.

 

La Nakba s’est accompagnée - et cela se poursuit aujourd’hui - d’un véritable « mémoricide ». Il fallait en effet conforter un autre mythe israélien selon lequel la Palestine était « une terre dans peuple pour un peuple sans terre ». Ilan Pappe relate que « La dépossession s’est alors accompagnée de changement de nom des endroits pris, détruits et maintenant recréés. Cette mission a été accomplie avec l’aide d’archéologues et d’experts de la Bible », afin d’ « hébraïser la géographie de la Palestine ». Ce « mémoricide » est aussi à l’œuvre dans toute la Cisjordanie - y compris Jérusalem-Est - où les lieux saints sont accaparés par Israël (un cas pour exemple : le tombeau de Rachel à Bethléem), où rues et quartiers sont rebaptisés comme à Hébron dans le secteur du tombeau des patriarches vidé de ses habitants et confisqué par des colons. À Jérusalem l’entreprise de transformation du quartier palestinien le Silwan en un vaste parc dénommé Cité de David participe de cette réécriture de l’histoire de cette terre.

 

Quand en 2000, Ariel Sharon devenu premier ministre d’Israël, déclare « nous allons maintenant achever ce qui n’a pas été achevé en 1948 » les choses sont claires : ce qui n’a pas été achevé, c’est le processus dont la Nakba a été l’apogée, le processus d’expulsion et de dépossession du peuple palestinien de son territoire ainsi que du droit à son histoire et à sa culture.

 

Ce processus est toujours à l’œuvre aujourd’hui : extension de la colonisation en Cisjordanie, déplacements forcés des populations bédouines dans les environs de Jérusalem, dans la vallée du Jourdain ou dans le Néguev, nettoyage ethnique au cœur de la vieille ville d’Hébron en sont autant d’exemples.

 

Criante d’actualité, la situation faite aux Palestiniens de Jérusalem-Est. Au-delà de la décision de Trump de reconnaitre Jérusalem comme capitale d’Israël entérinant ainsi la violation du droit et la dépossession des Palestiniens, Israël multiplie les lois destinées à les en expulser. Ainsi, le 7 mars, la Knesset a adopté définitivement une loi sur "la révocation complète du statut de résidence permanente prévu pour les Palestiniens de Jérusalem-Est". C’est ce statut qui régit les Palestiniens vivant sous occupation dans Jérusalem-Est annexée illégalement par Israël. En se dotant de cette nouvelle loi, Israël va ainsi pouvoir expulser encore plus facilement les Palestiniens de Jérusalem-Est de leur ville poursuivant le processus de nettoyage ethnique formalisé il y a 70 ans par le Plan Daleth.

 

Paris, le 9 mars 2018, le bureau national de l’AFPS


Communiqué de l’AFPS

Le Parlement israélien « légalise » l’expulsion des Palestiniens de Jérusalem pour motif politique

 

Les Palestiniens de Jérusalem-Est vivent, depuis l’occupation en 1967 et l’annexion illégale de Jérusalem-Est par l’État d’Israël en 1980, sous un statut de « résidents permanents » dans leur propre ville. Ce statut, qui ne leur confère aucune citoyenneté, leur est octroyé par Israël et peut être révoqué à tout moment. Ainsi, depuis 1967 il a été retiré à 14 500 Palestiniens en vertu de critères sans cesse durcis. Il s’agit de transférer un maximum de Palestiniens hors de Jérusalem, afin d’y réduire la présence palestinienne et d’en modifier la démographie. Ces pratiques sont contraires au droit international notamment à la 4ème convention de Genève qui encadre le droit des personnes vivant sous occupation.

 

Le 7 Mars 2018, la Knesset a adopté un amendement à la Loi d’Entrée en Israël, permettant au Ministre israélien de l’Intérieur de révoquer le statut de résident permanent des Palestiniens de Jérusalem pour « rupture de loyauté envers l’État d’Israël » impliquant qu’ils auraient un devoir de loyauté à l’égard de l’État qui les occupe. Cet amendement a été introduit pour bloquer toute velléité de la Cour suprême israélienne de s’opposer à des révocations de résidence de Jérusalem-Est pour motif politique, ce qu’elle avait fait pour trois députés palestiniens et un ancien ministre. De cette manière Israël entend faire taire toute contestation de sa politique et toute affirmation de ses droits nationaux par la population palestinienne.

 

Or, en vertu du droit international humanitaire, la population d’un territoire occupé n’a pas de devoir d’allégeance à l’occupant, (article 45 de la Convention de La Haye de 1907 et l’article 68(3) de la Quatrième Convention de Genève).

 

Le député de la Liste unie, Jamal Zahalka a déclaré : ” Cette loi est une offense. Il devrait y avoir une loi pour empêcher l’entrée de la police et des autorités israéliennes à Jérusalem-Est afin que vous ayez besoin pour y pénétrer de passeport et de permis. ”

 

La Knesset en adoptant cet amendement rend « légales » dans la loi israélienne, des pratiques totalement illégales au regard du droit international. Il permet à Israël d’étendre sa politique de révocation punitive, sous des critères entièrement arbitraires.

 

Les révocations de résidence, et en particulier les révocations punitives, violent de façon flagrante le droit international humanitaire et le droit international. De telles pratiques sont constitutives d’un transfert forcé de la population, un crime de guerre selon le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale et une grave violation de la Quatrième Convention de Genève, voire un crime contre l’humanité, dans la mesure où ces pratiques s’inscrivent dans le cadre plus large d’une politique systématique et de grande ampleur visant à déplacer la population palestinienne.

 

Ce vote intervient presque jour pour jour 70 ans après la finalisation du Plan Daleth (voir ci-dessus) qui organisait le nettoyage ethnique de la Palestine. Ce nettoyage ethnique est toujours à l’œuvre :

 

il n’a pas suffi à Israël de s’emparer de 78% de la Palestine historique, d’en chasser 80% de sa population arabe palestinienne, d’occuper et de coloniser les 22% restant et d’annexer Jérusalem-Est occupée, les transferts forcés de populations continuent que ce soit à Jérusalem-Est, dans la vallée du Jourdain ou dans le Néguev.

 

L’Union européenne a exprimé son rejet de cette loi et mis en garde contre " la possibilité d’utiliser cette nouvelle loi pour compromettre la présence palestinienne à Jérusalem-Est, ce qui pourrait compromettre davantage les perspectives d’une solution à deux États ". La communauté internationale doit exiger qu’Israël se conforme au droit international notamment pour ce qui concerne les populations vivant sous occupation. Nous en appelons au Président de la République française pour qu’il prenne ses responsabilités et agisse dans les instances internationales pour que cessent les transferts de populations dont Israël porte la responsabilité en Israël et Palestine depuis 70 ans.

 

Le Bureau national de l’AFPS le 10 mars 2018