Dominique VIDAL : l'amalgame entre antisémitisme et antisionisme "constitue un contre-sens historique et une faute politique"


L’agression dont a fait l’objet Alain Finkielkraut le 16 mars dernier a relancé le débat sur le lien entre « antisémitisme » et « antisionisme ». L’occasion de constater les ambiguïtés qui continuent de peser sur l’idéologie fondatrice et matricielle de l’Etat d’Israël.

Historien, ancien journaliste du Monde diplomatique, intellectuel engagé, Dominique Vidal revient sur la trajectoire de l’idée d’antisionisme et clarifie ainsi les termes et les enjeux du débat. Fin observateur de la politique israélienne, nous l’avons également interrogé sur les prochaines élections et l’état du débat en Israël. 

 

Interviewé par William Leday (analyste @Chronikfr), Dominique Vidal est l’auteur de Antisémitisme = antisionisme ? Réponse à Emmanuel Macron (Éditions Libertalia).

 

Cet entretien en profondeur a été publié sur le site Chronik.fr jeudi 28 février 2019

https://chronik.fr/5267.html

 

W. L. : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à écrire cet essai et à vous engager dans ce travail d’explication ?

D. V. : C’est en écoutant l’allocution de Président de la République à l’occasion de la cérémonie du 75ème anniversaire de la rafle du Vel d’hiv le 16 juillet 2017, dans lequel il explicite la phrase de Jacques Chirac de 1995. Il faut rappeler l’importance politique majeure de cette déclaration par laquelle Jacques Chirac reconnaissait la responsabilité de la France, via l’État français, dans la déportation et l’extermination des juifs de France. Mais il l’avait fait sans explication, au détour d’une simple phrase. Emmanuel Macron s’est livré à un travail d’explication de texte sur ce que supposait cette responsabilité de Vichy, au-delà de l’utilisation de la police française, et donc sur la politique de collaboration de l’État français dans le cadre de l’extermination des juifs. C’était donc un très beau discours. Puis arrive, comme un cheveu sur la soupe, presqu’à la fin, cette petite phrase peu pertinente. « Nous ne céderons rien à l’antisionisme car il est la forme réinventée de l’antisémitisme », dont le débat actuel est une conséquence. Il m’a paru incroyable qu’on explique dans un discours sur la responsabilité de Vichy que l’antisionisme est LA forme réinventée de l’antisémitisme. Je réagis donc immédiatement parce que cet amalgame constitue un contre-sens historique et une faute politique, d’autant que, si tout le monde sait ce qu’est l’antisémitisme, on ignore ce qu’est l’antisionisme. J’ai donc donné une première réponse par les réseaux sociaux, puis dans une tribune dans Médiapart, très diffusée, et enfin une vidéo qui a eu des dizaines de milliers de vues.

 

Il s’agit d’une double faute. Une faute historique d’abord, puisque la majorité des juifs ont toujours été et restent, sinon antisionistes, en tout cas non-sionistes. Et une faute politique ensuite, parce que si on met le doigt dans l’interdiction de l’antisionisme, ce qui est la demande que le CRIF a formulée immédiatement sur la lancée de la petite phrase du Président de la République. On en revient alors au délit d’opinion qui n’existe plus depuis la guerre d’Algérie. Je me souviens personnellement de ma mère qui lisait des journaux dont des pages entières étaient blanches, parce que la commission de censure passait dans les rédactions pour enlever ce qui selon elle allait à l’encontre de la politique française. C’était ça, le délit d’opinion. Est-ce que le président du CRIF, Francis Kalifat, et certains parlementaires souhaitent réintroduire cette horreur dans la France de 2019 ? C’est donc sur cette erreur historique et cette faute politique que je propose un texte aux Éditions Libertalia qui acceptent de l’éditer en janvier 2018.

 

Pour lire la suite de cet interview plus qu'intéressant, c'est par là :

https://chronik.fr/5267.html


Nous ne saurions que trop vous recommander la lecture de la Réponse à Emmanuel Macron. Un petit livre au petit prix (8€) qui remet les pendules à l'heure !

« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. » Albert Camus.

Le 16 juillet 2017, Emmanuel Macron s’apprête à terminer son discours lors de la commémoration du 75e anniversaire de la rafle du Vél’ d’hiv’. Et soudain, se tournant vers Benyamin Netanyahou, qu’il a appelé « cher Bibi », il lance : « Nous ne céderons rien à l’antisionisme, car il est la forme réinventée de l’antisémitisme. »
Jamais un chef de l’État n’avait commis une telle erreur historique doublée d’une telle faute politique. Voilà ce que ce livre entend démontrer, sur un mode non polémique et pédagogique en traitant successivement de l’histoire du sionisme, de la diversité de l’antisionisme, de l’antisémitisme hier et aujourd’hui, enfin de la politique proche-orientale de la France. Parution Janvier 2018