Quand la Maire de Paris légitime l'occupation de Jérusalem-Est par Israël


Le 30 juin, la maire de Paris Anne Hidalgo et le maire de Jérusalem Moshe Leon, fervent défenseur de l’annexion de Jérusalem-Est et de la politique de colonisation israélienne, ont inauguré une « place Jérusalem » à Paris. Ce qui en soi ne serait pas scandaleux dès lors que la signification de cet acte forcément politique ne soit pas instrumentalisé par une seule des parties (religieuse et politique) concernées par le statut de Jérusalem. 

 

En "oubliant" les deux autres religions monothéistes et en "important le conflit israélo-palestinien" en France, la maire de Paris Anne Hidalgo a pris une décision irresponsable, selon l’AFPS et les 50 associations du Collectif pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israélien qui avaient appelé à un rassemblement au plus prés de l'inauguration officielle.

 

NON A LA CONFISCATION DE JERUSALEM 

Sur proposition de la Maire de Paris, Mme Anne Hidalgo, le Conseil de Paris a voté le 12 juin la création d’une place de Jérusalem.

 

Cela aurait pu être une bonne idée, pour éclairer la population sur la situation de cette ville martyre, fracturée, divisée, puis annexée ; pour rappeler la nécessité absolue de mettre fin à la violation du droit international et du droit humanitaire que constitue l’annexion de Jérusalem par Israël, et pour condamner sans ambiguïté le fait accompli et la loi du plus fort.

Une bonne idée aussi s’il s’était agi d’en faire un symbole de paix, en rappelant que cette ville, que les Israéliens ont conquise par la force et qu’ils considèrent comme leur capitale, est aussi la capitale revendiquée par les Palestiniens, et un symbole particulièrement fort de leur identité nationale. Et, sur le plan religieux, en donnant toute leur place aux trois religions monothéistes pour lesquelles Jérusalem est une ville sainte.

Anne Hidalgo a choisi une autre voie, celle de céder aux réseaux d’influence pro-israéliens, en localisant cette place à côté du futur centre européen du judaïsme, et en invitant à l’inauguration le maire de Jérusalem, le maire d’une ville illégalement annexée à Israël, et l’artisan des plans d’urbanisme qui développent les colonies israéliennes et expulsent les habitants palestiniens de Jérusalem de leurs maisons.

Cette démarche est particulièrement mal venue dans le contexte de la décision étasunienne de reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et semble ainsi se situer en continuité. Comme cela a été rappelé en décembre 2017 par de nombreux États dont la France, le droit international ne reconnaît aucune souveraineté sur Jérusalem en l’absence d’accord entre les parties, et l’annexion de Jérusalem Est par Israël a été explicitement condamnée par l’ONU.

Nous refusons cette logique d’exclusion promue par Mme Anne Hidalgo dans la droite ligne de la politique israélienne d’apartheid consacrée par le vote de la loi de l’État-nation du peuple juif en juillet 2018. Nous demandons que la place de Jérusalem soit déplacée dans un lieu qui respecte pleinement la diversité culturelle et religieuse de Jérusalem, et que soit clairement marqué le projet d’en faire le symbole de la nécessaire reconnaissance du droit et de la recherche d’une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens.

 

Nous appelons tous les habitants d’Île-de-France à se rassembler le dimanche 30 juin à 15h, place du Maréchal Juin, pour protester contre la démarche scandaleuse de la maire de Paris, et porter l’exigence de la justice et du respect du droit international. 

 

 

Dans un article du 26 juin, Le Monde rappelle comment Anne Hidalgo a pris sa funeste décision

 

Anne Hidalgo et sa majorité l’avaient promis : la création à Paris d’une place de Jérusalem ne devait devenir « ni un objet géopolitique ni un élément de crispation ». Pas question d’« importer dans les rues de Paris un climat explosif » en y rejouant le conflit israélo-palestinien, avait assuré Catherine Vieu-Charier, l’adjointe communiste chargée du dossier. C’est raté.

(...) Les écologistes et les communistes alliés de la maire socialiste lui demandent à présent d’abandonner le projet, tandis qu’une manifestation de protestation est prévue aux abords de la place le jour même de l’inauguration.

En avril, la proposition de donner le nom de Jérusalem à la place située à l’intersection de la rue de Courcelles et du boulevard de Reims, dans le 17e arrondissement, n’avait suscité aucune remarque au sein de la commission des dénominations. Au conseil municipal, le 12 juin, elle avait aussi été adoptée sans trop de difficulté, seule Danielle Simonnet (La France insoumise) ayant voté contre. Elle avait proposé d’ajouter, sous les mots « Place de Jérusalem », une précision : « Avec le vœu qu’elle devienne la future capitale de deux Etats. » Cet amendement avait été rejeté.

(...) Mais la mesure à peine votée, le cri de victoire poussé par le président du Consistoire central a placé l’affaire sous un nouvel éclairage. Cette décision « fait suite à ma proposition exprimée en janvier, lors de la réception du président de la République d’Israël Reuven Rivlin à l’Hôtel de Ville », a expliqué Joël Mergui, en dévoilant des courriers échangés peu avant avec la maire de Paris.

Anne Hidalgo y justifiait son intérêt pour la création d’une place de Jérusalem par la nécessité, « en cette période de recrudescence des actes à caractère raciste et antisémite », de rappeler les liens entre Paris et la « communauté juive » et de « commémorer l’amitié qui unit la Ville de Paris à l’Etat d’Israël ». Elle soulignait aussi que la future place se trouverait « aux abords » d’un lieu « hautement symbolique » : le futur Centre européen du judaïsme.

Délicate ligne de crête

La création de cette place ne serait-elle qu’un geste destiné aux juifs, à neuf mois des élections municipales ? Les communistes et les écologistes, qui s’étaient abstenus lors du vote, ont toussé. « On nous a bernés !, peste l’élue (PCF) Raphaëlle Primet. Personne ne nous a dit que c’était une demande du Consistoire. Alors que Jérusalem est une ville importante pour les juifs, mais aussi les musulmans et les chrétiens, on semble légitimer une confiscation de Jérusalem par l’Etat d’Israël. »

La gauche s’est encore plus étranglée quand elle a découvert que l’inauguration aurait lieu en présence du maire de Jérusalem, Moshe Leon, un fidèle de Benyamin Nétanyahou « connu pour ses prises de position en faveur de la colonisation », et sans représentant de l’autorité palestinienne. (...)

 

https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/06/26/la-future-place-de-jerusalem-a-paris-fait-polemique_5481833_823448.html


A lire sur le site Orient XXI, le professeur Suleiman Mourad explique pourquoi « l’idée d’une propriété juive de Jérusalem est dangereuse ». Suleiman Mourad est professeur au Smith College de Northampton (États-Unis) et chercheur à l’Institut d’études avancées de Nantes.

 

https://orientxxi.info/magazine/la-dangereuse-idee-d-une-propriete-juive-de-jerusalem,3189


L'obstination de certain-es dirigeant-es français-es à vouloir imposer en France le fait colonial israélien en dépit du droit international et de la souffrance du peuple palestinien est quand même incroyable. Quand en plus elle devient cynique, on atteint des sommets ! Quel culot de la part de Anne Hidalgo qui a osé inviter l'ambassadeur de Palestine en France, Salman El Herfi à cette inauguration unilatérale. Comment a-t-elle osé penser que le représentant de la Palestine accepterait de participer à cette sinistre cérémonie qui a pour résultat  :

 

1) d'accepter, et donc, de renforcer la judaïsation forcée de Jérusalem en niant le droit des autres religions sur la ville sainte.

2) de donner une légitimité à l'extrême droite israélienne qui pratique le nettoyage ethnique contre les Palestiniens.

4) de piétiner le droit international et cracher sur la position de la France

5) d'insulter l'Elysée et le Quai d'Orsay qui ont affirmé aux diplomates arabes qu'ils ne comprenaient pas la décision de la maire de Paris.

 

D'ailleurs, le Consul général de France à Jérusalem, M. Pierre Cochard, prenant ses distances (au nom du gouvernement ?) avec Anne Hidalgo a cru bon de lui rappeler la position officielle de la France concernant Jérusalem.

Il a reçu le 30 juin une délégation de la société civile palestinienne venue lui remettre une lettre protestant contre les conditions dans lesquelles était inaugurée au même moment à Paris une place de Jérusalem.

Le Consul général a répondu que "les gestes unilatéraux ou symboliques, quels qu’ils soient, ne modifiaient pas la position de la France, qui est constante et bien connue. Jérusalem a vocation à devenir la capitale de deux Etats, Israël et la Palestine, selon des modalités qui devront être définies par la négociation."

 

Le Consul général a par ailleurs déploré le harcèlement incessant dont la présence palestinienne à Jérusalem fait l’objet ces derniers mois.

 

https://jerusalem.consulfrance.org/Inauguration-d-une-place-de-Jerusalem-a-Paris-Communique-de-presse-du-Consulat