Israël refuse l’accès de Gaza aux défenseurs des droits de l’homme


Jeudi 3 avril 2017

Selon Human Rights Watch, Israël refuse l’accès des défenseurs des droits de l’homme à la bande de Gaza, compromettant ainsi les affirmations selon lesquelles il mène sa propre enquête sur la guerre de 2014


Un agent de sécurité palestinien à la porte sous contrôle palestinien, au poste-frontière de Kerem Shalom entre Israël et la bande de Gaza, après la fermeture par Israël du poste-frontière d’Erez en juin 2015 (AFP)
Un agent de sécurité palestinien à la porte sous contrôle palestinien, au poste-frontière de Kerem Shalom entre Israël et la bande de Gaza, après la fermeture par Israël du poste-frontière d’Erez en juin 2015 (AFP)

Les défenseurs des droits de l’homme qui documentent les abus et plaident leur abolition se voient interdire par les autorités militaires israéliennes d’entrer et de quitter la bande de Gaza, a indiqué Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié ce lundi.

Depuis 2008, HRW a reçu une seule autorisation pour envoyer du personnel étranger à Gaza via Israël. C’était pour une visite en septembre 2016, que les autorités israéliennes ont qualifiée d’« exceptionnelle ». Depuis 2012, ni HRW, ni Amnesty International n’ont été en mesure d’envoyer du personnel à Gaza via l’Égypte.

Ce faisant, le gouvernement israélien porte atteinte à ses propres affirmations selon lesquelles il s’appuie sur « les organisations de défense des droits de l’homme en tant que sources d’informations importantes pour leurs enquêtes criminelles sur les crimes graves potentiels commis lors de la guerre de Gaza en 2014 », indique l’organisation.

Les Palestiniens ont formellement adhéré à la Cour pénale internationale (CPI) en avril 2015 et ont demandé au tribunal de La Haye d’enquêter sur le conflit qui a duré 50 jours à Gaza au cours de l’été 2014, et de poursuivre Israël pour des crimes de guerre présumés.

Israël a permis la première visite de la CPI dans le pays en septembre 2016, mais a déclaré que le tribunal n’avait pas le pouvoir d’évaluer les allégations de crimes de guerre contre des Palestiniens.

Au lieu de cela, Israël a déclaré qu’il mènerait sa propre enquête et que, bien que les enquêteurs israéliens ne soient pas entrés à Gaza, ils s’appuient sur des organisations de défense des droits de l’homme pour les alerter de violations potentielles, fournir des preuves documentaires et judiciaires et faciliter les témoignages.

Cependant, HRW détaille dans son rapport la façon dont Israël interdit systématiquement aux organisations de défense des droits de l’homme de se rendre à Gaza et d’en sortir, même lorsque les services de sécurité israéliens n’avancent aucun argument sécuritaire à leur encontre en tant qu’individus.

Israël contrôle les accès à Gaza, excepté à la frontière égyptienne, et contrôle tous les postes-frontières entre Gaza et la Cisjordanie. L’Égypte a contribué à la fermeture de facto de la bande. Les autorités israéliennes ont maintenu la bande de Gaza principalement fermée au cours des deux dernières décennies et surtout depuis 2007.

Ils permettent l’entrée à certains employés d’organisations d’aide humanitaire, mais pas aux défenseurs des droits de l’homme.

Depuis 2008, Human Rights Watch n’a reçu qu’une seule fois l’autorisation d’amener du personnel étranger à Gaza via Israël, lors d’une visite en septembre 2016 que les autorités israéliennes ont qualifiée d’exceptionnelle. Ni Human Rights Watch ni Amnesty International n’ont été en mesure de faire entrer du personnel à Gaza par l’Égypte depuis 2012.

« Si Israël veut que le procureur de la Cour pénale internationale prenne au sérieux ses assurances selon lesquelles ses enquêtes criminelles sont adéquates, un premier pas serait de laisser les chercheurs rapporter des informations pertinentes », a déclaré Sari Bashi, directrice du groupe Israël-Palestine de HRW.

« Entraver le travail d’organisations de défense des droits humains soulève des questions non seulement sur la disposition des autorités militaires israéliennes à mener des enquêtes dignes de ce nom, mais aussi sur leur aptitude à le faire. »


Des Palestiniens attendent des permis de voyage pour traverser la frontière de Rafah après son ouverture par les autorités égyptiennes pour les cas humanitaires en décembre 2016 (AFP)
Des Palestiniens attendent des permis de voyage pour traverser la frontière de Rafah après son ouverture par les autorités égyptiennes pour les cas humanitaires en décembre 2016 (AFP)

Le bureau du procureur de la CPI procède à un examen préliminaire de la situation de la Palestine qui comprend « une analyse visant à déterminer si des crimes relevant de la compétence de la CPI ont été commis, si ces crimes sont suffisamment graves pour mériter l’attention du tribunal et si les autorités nationales procèdent réellement à des enquêtes crédibles Et, le cas échéant, lancera des poursuites dans les cas considérés pour enquête par la CPI. »

Les autorités israéliennes affirment que leurs enquêtes respectent les normes internationales et qu’elles s’appuient sur des sources fournies par des défenseurs des droits de l’homme, tout en les empêchant de collecter des documents, des preuves et des témoignages.

Human Rights Watch a invité le bureau du procureur de la CPI à prendre note des restrictions imposées, ce qui suggère que les affirmations d’Israël concernant une enquête indépendante ne peuvent être acceptées.

Le bureau du procureur général de l’armée israélienne (MAG) a déclaré qu’il accordait « une grande importance » à son « dialogue approfondi et quotidien » avec les organisations de défense des droits de l’homme dont les rapports ont contribué de manière importante à ses décisions concernant l’ouverture d’une enquête criminelle ou la façon d’obtenir une image plus complète dans les enquêtes existantes.

Cependant, le MAG a également critiqué la documentation fournie par les organisations de défense des droits de l’homme qui souffre de « faiblesses méthodologiques, factuelles et juridiques » et, dans certains cas, « de parti pris évidents ». Le MAG a qualifié les restrictions de voyage imposées aux défenseurs des droits de l’homme d’« inévitables… en raison d’importantes considérations politiques et sécuritaires ».


Du personnel humanitaire sur un camion chargé de colis d’aide fournis par la Turquie après son entrée dans le sud de la bande de Gaza depuis Israël en juillet 2016 (AFP)
Du personnel humanitaire sur un camion chargé de colis d’aide fournis par la Turquie après son entrée dans le sud de la bande de Gaza depuis Israël en juillet 2016 (AFP)

Entraver l’accès des défenseurs des droits de l’homme sape l’enquête sur les crimes supposés commis à ou depuis Gaza, qu’ils soient commis par les Israéliens ou les Palestiniens, a souligné HRW.

Israël a accusé les groupes de combattants palestiniens de commettre des crimes graves en tirant des roquettes vers des zones civiles israéliennes.

Les autorités palestiniennes n’auraient pas enquêté sur ces crimes présumés, mais les restrictions sur la sortie de Gaza et les visites de collègues et d’experts venant d’ailleurs empêchent les défenseurs palestiniens des droits de l’homme de s’acquitter de leur travail, de collaborer avec leurs collègues et de mener leur plaidoyer.

Par exemple, pendant la guerre de 2014, ni Israël ni l’Égypte n’ont autorisé un expert en armes à entrer dans Gaza, laissant les groupes palestiniens de défense des droits de l’homme s’appuyer sur un spécialiste des armes, des forces de police des autorités de Gaza, pour analyser les preuves médico-légales des combats, a indiqué l’organisation.

De plus, les autorités du Hamas à Gaza ne protègent pas comme elles le devraient les défenseurs des droits de l’homme contre les représailles et, dans certains cas, arrêtent et harcèlent ceux qui critiquent le Hamas ou les activités de groupes armés à Gaza, a souligné Human Rights Watch.

L’incapacité de faire entrer et sortir des défenseurs étrangers des droits de l’homme de Gaza limite également la capacité des groupes de défense des droits de l’homme à documenter les abus palestiniens à l’intérieur de Gaza, en raison des problèmes de sécurité pour le personnel local.


Un garçon palestinien monte un cheval devant les décombres des bâtiments qui ont été détruits pendant la guerre qui a duré 50 jours entre Israël et les combattants du Hamas pendant l’été 2014 (AFP)
Un garçon palestinien monte un cheval devant les décombres des bâtiments qui ont été détruits pendant la guerre qui a duré 50 jours entre Israël et les combattants du Hamas pendant l’été 2014 (AFP)

« Israël, le Hamas et l’Égypte devraient changer leurs politiques pour protéger le travail essentiel des organisations de défense des droits humains qui cherchent à protéger Palestiniens et Israéliens contre les violations commises par les autorités et les groupes armés », a conclu Sari Bashi. Human Rights Watch a appelé les autorités israéliennes à mettre un terme à l’interdiction générale des voyages et à permettre à tous les Palestiniens d’accéder à Gaza. Jusque-là, les autorités devraient ajouter des défenseurs des droits de l’homme aux personnes admissibles aux autorisations de voyage.

L’Égypte devrait également faciliter les voyages des défenseurs des droits de l’homme via sa frontière, et les autorités du Hamas devraient protéger les droits de l’homme des représailles, a déclaré la responsable.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.