L'ONU ou l'art consommé du renoncement face à l'innommable


La secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale, Rima Khalaf, a démissionné, vendredi 17 mars 2017.
La secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale, Rima Khalaf, a démissionné, vendredi 17 mars 2017.

Sous la pression, l’ONU enterre le rapport accusant Israël d’apartheid

Le document publié mercredi par une commission régionale onusienne, a été retiré de son site internet. En signe de protestation, sa chef a démissionné.

LE MONDE Par Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant) samedi 18 mars 2017

Il n’aura pas fallu plus de 48 heures à Israël et aux Etats-Unis pour parvenir à leurs fins. Vendredi 17 mars, sous la pression de sa hiérarchie, la chef de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (ESCWA), l’organe onusien à l’origine de la publication, deux jours plus tôt, d’un rapport accusant I’Etat hébreu de soumettre le peuple palestinien à un régime d’apartheid, a démissionné de son poste. Lire aussi : Un rapport de l’ONU accuse Israël d’apartheid envers les Palestiniens Le document en question avait suscité l’ire des ambassadeurs américain et israélien qui avaient appelé le nouveau secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, à le retirer immédiatement. Dans la soirée de vendredi, le texte n’était plus disponible sur le site internet de l’ESCWA, une des cinq commissions régionales des Nations Unis, en charge des questions de développement dans le monde arabe. Rédigé par deux spécialistes de droit international, les professeurs américains Richard Falk et Virginia Tilley, ce texte concluait, après analyse des multiples discriminations dont sont victimes les Palestiniens, qu’« Israël est coupable de politique et de pratiques constitutives du crime d’apartheid ». Il appelait les pays membres des Nations unies à soutenir le mouvement BDS, qui prône le boycottage de l’Etat d’Israël.

 

« Nous sommes fiers d’elle »

Dans une conférence de presse organisée à Beyrouth (Liban), où se trouve le siège de l’ESCWA, sa secrétaire exécutive, la Jordanienne Rima Khalaf, a présenté sa démission comme un acte de protestation contre les pressions de M. Guterres « Il m’a demandé hier matin de retirer [le rapport], je lui ai demandé de repenser sa décision mais il a insisté. Sur ce, je lui ai présenté ma démission de l’ONU. Je démissionne parce qu’il est de mon devoir de ne pas dissimuler un crime, je soutiens toutes les conclusions du rapport. » Cette économiste de formation, âgée de 63 ans, fut ministre de la planification et premier ministre adjoint du royaume de Jordanie dans les années 1990, avant de faire carrière aux Nations Unies. Au sein de l’organisation internationale, elle a notamment contribué au premier rapport sur le développement humain dans le monde arabe, en 2002, une étude qui a fait date. « Sa démission est un choc, mais la plupart d’entre nous sommes fiers d’elle, confie une source au sein de l’ESCWA, sous couvert d’anonymat. C’est ce qu’elle pouvait faire de mieux. Elle proteste contre un acte de censure qui va à l’encontre de tous les principes des Nations Unies ». Une accusation rejetée par le porte-parole d’Antonio Guterres, Stéphane Dujarric : « Il ne s’agit pas du contenu, mais de la procédure. Le secrétaire général ne peut pas accepter qu’un secrétaire général adjoint ou un autre haut fonctionnaire de l’ONU placé sous son autorité soit autorisé à publier sous le nom de l’ONU, sous le logo de l’ONU, sans consulter ni les services compétents, ni lui-même. »

 

« Promouvoir des objectifs anti-israéliens »

C’est la première fois dans l’histoire de l’ONU qu’un rapport publié en son nom accuse l’Etat hébreu d’apartheid. Le terme revient pourtant régulièrement, depuis une dizaine d’années, dans le débat sur la politique d’occupation israélienne. L’ancien président américain Jimmy Carter l’avait employé dans un livre qui avait fait beaucoup de bruit à sa sortie, en 2006, intitulé Palestine : Peace, not Apartheid (Palestine : la paix, pas l’apartheid). A l’époque, l’ancien architecte de la paix de Camp David, entre Israël et l’Egypte, avait estimé que les pratiques israéliennes dans les territoires occupés étaient « pires que l’Apartheid en Afrique du Sud ». En 2014, John Kerry alors chef de la diplomatie américaine, avait prévenu que l’Etat hébreu risquait de devenir « un Etat d’apartheid », si une solution au conflit israélo-palestinien n’était pas trouvée rapidement. Les autorités israéliennes, qui avaient comparé le rapport au journal Der Stürmer, un organe de propagande nazie, se sont félicitées de la démission de Mme Khalaf. « Les militants anti-israéliens n’ont rien à faire aux Nations Unies, a déclaré Danny Dannon, l’ambassadeur de l’Etat hébreu auprès de la communauté internationale. Il est temps de mettre un terme à ces pratiques où des responsables de l’ONU utilisent leur position pour promouvoir des objectifs anti-israéliens. Depuis des années, Khalaf œuvrait pour nuire à Israël et promouvoir le mouvement BDS. Sa mise à l’écart des Nations Unies n’a que trop tardé ».

Au siège de l’ESCWA, au moment de tirer sa révérence, Rima Khalaf n’a laissé paraître aucun regret. « Les conclusions du rapport sont désormais publiques, a-t-elle affirmé. Elles ont été diffusées largement, tout le monde peut les utiliser. »


Un rapport accuse Israël d'"apartheid", une responsable

de l'ONU démissionne.

 

Par RFI - publié samedi 18 mars 2017

REUTERS/Jamal Saidi


Après plusieurs jours de polémique, une secrétaire générale adjointe de l'ONU a finalement remis sa démission vendredi 17 mars. Secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale, basée au Liban, Rima Khalaf avait publié sur le site de son organisation un rapport sur les relations entre Israël et la Palestine. Le rapport a été mis en ligne avant que New York ne le valide, voilà ce qui explique officiellement la polémique. Mais davantage qu'un problème de procédure, c'est bien le contenu du document qui était sujet à controverse : il accusait Israël d'imposer « un régime d'apartheid » aux Palestiniens, ce qui constituerait un crime contre l'humanité.

Plusieurs fois cette semaine, l'ONU a dû répéter aux journalistes que le rapport publié sur le site de la Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale, la CESAO, ne reflétait pas les positions d'António Guterres, puisqu'il avait été rédigé sans consulter New York.

Le porte-parole du secrétaire général était certes sous pression face au contenu explosif du document, mais la pression n'était pas moins forte sur Rima Khalaf, celle qui avait mis en ligne le rapport sans en référer au sommet de l'ONU.

 

Les Etats-Unis « outrés »

 

La Jordanienne a-t-elle vraiment cru pouvoir obtenir le soutien de l'institution, puisque officiellement, on lui reproche avant tout de ne pas avoir respecté les procédures ? Sa position est devenue intenable mercredi quand, « outrés », les Etats-Unis, principal allié d'Israël, ont carrément demandé sa démission.

 

Rima Khalaf a donc retiré le document du site internet de la CESAO, et a quitté ses fonctions dans la foulée, dénonçant les pressions « énormes » faites sur António Guterres.

 

A l'inverse, l'ambassadeur israélien à l'ONU n'a pas caché sa joie, estimant même que la diplomate œuvrait depuis longtemps pour nuire à son pays, et que sa mise à l'écart aurait dû intervenir « bien avant cette affaire. »


LE NOUVEAU DRAPEAU DES NATIONS UNIES ?