La courageuse démission de Rima Khalaf


Au siège de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (ESCWA – Economic Commission for Western Asia), Rima Khalaf a fait ses adieux et dit ne pas avoir de regret au sujet du rapport sur la pratique de l’Apartheid par « Israël ».

« Les conclusions du rapport sont désormais publiques », a-t-elle déclaré aux médias nombreux à cet ultime Adieu de la chef de la mission onusienne à Beyrouth. « Elles ont été diffusées largement, tout le monde peut les utiliser « .

Économiste de formation, âgée de 63 ans, Rima Khalaf a préféré démissionner de son poste de chef de la ESCWA plutôt que de retirer le rapport de sa commission accusant « Israël » de soumettre le peuple palestinien à un régime d’apartheid.

Face à la presse, la Jordanienne a présenté sa démission comme un acte de protestation contre les pressions du SG de l’ONU Antonio Guterres. « Il m’a demandé hier matin (16 mars 2017) de retirer [le rapport], je lui ai demandé de repenser sa décision mais il a insisté. Sur ce, je lui ai présenté ma démission de l’ONU. Je démissionne parce qu’il est de mon devoir de ne pas dissimuler un crime, je soutiens toutes les conclusions du rapport. »

Au sien de l’ESCWA, rapporte le journal français Le Monde, « sa démission est un choc » mais pour la plupart de ses collaborateurs, elle est « une source de fierté ».

« C’est ce qu’elle pouvait faire de mieux. Elle proteste contre un acte de censure qui va à l’encontre de tous les principes des Nations unies. », confie au Monde une source au sein de l’ESCWA, sous couvert d’anonymat.

Rédigé par deux spécialistes du droit international, les professeurs américains Richard Falk et Virginia Tilley, le texte concluait, après analyse des multiples discriminations dont sont victimes les Palestiniens, qu’ »Israël est coupable de politique et de pratiques constitutives du crime d’apartheid ». Il appelait les pays membres des Nations unies à soutenir la campagne internationale Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), qui prône le boycottage de l’entité sioniste.

Le document en question avait suscité l’ire des ambassadeurs américain et israélien, qui avaient appelé le nouveau secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) à le retirer immédiatement.

Ce rapport, publié mercredi (15 mars 2017), a été comparé à de la propagande antisémite nazie par le ministère israélien des Affaires étrangères.

Dans la soirée de vendredi, le texte n’était plus disponible sur le site Internet de l’ESCWA, une des cinq commissions régionales des Nations Unies, chargée des questions de développement

L’envoyé israélien soulagé

Danny Danon, l’envoyé israélien à l’ONU, a réagi à la démission de Khalaf en disant : « La décision du Secrétaire-Général Antonio Guterres est un pas important en vue d’arrêter la discrimination contre Israël à l’ONU. La place des militants anti-israéliens est à l’extérieur de l’ONU et il est temps de mettre fin à ce phénomène qui fait que des responsables de l’ONU tirent avantage de leurs positions pour mener leurs activités anti-israéliennes », ont rapporté les médias israéliens.

BDS réagit

Par contre le coordinateur général du Comité national palestinien (BNC) du BDS a affirmé que « le fait qu’un secrétaire général des Nations-Unies se soit incliné devant les menaces et l’intimidation de l’Administration Trump qui, une fois encore, veut éviter à Israël d’avoir à rendre des comptes n’est pas une nouveauté. La véritable information, c’est que, cette fois, Israël, avec toute son influence à Washington, ne peut plus faire marche arrière.

« Le rapport historique de l’ESCWA a créé deux précédents décisifs sur la Palestine. C’est la première fois qu’une agence des Nations-Unies établit, à travers une étude scrupuleuse et rigoureuse, qu’Israël impose un régime d’apartheid sur l’ensemble du peuple palestinien. En outre, le plaidoyer de l’ESCWA en faveur du BDS, en tant que moyen le plus efficace pour faire rendre des comptes à Israël pour tous ses crimes de guerre, crée un précédent important dans le système des Nations-Unies qui est dominé par les États-Unis ».

« Les Palestiniens sont profondément reconnaissants à la directrice de l’ESCWA, la Dr Rima Khalaf, qui a préféré démissionner dans la dignité plutôt que de renoncer à ses principes sous l’intimidation israélo-américaine. À notre moment le plus sombre de l’escalade dans la répression par Israël, y compris contre les défenseurs non violents des droits humains, avec le vol permanent de la terre palestinienne et l’aggravation de sa politique d’apartheid, les Palestiniens espèrent que ce rapport novateur annonce la venue de l’aube d’une ère nouvelle où le régime d’injustice d’Israël aura à rendre des comptes à travers des sanctions et d’autres mesures, comme cela s’est passé pour l’apartheid de l’Afrique du Sud. »

Le Comité national palestinien (BNC) du BDS est la plus large coalition dans la société civile palestinienne qui dirige et soutien le mouvement mondial de Boycott, Désinvestissement et Sanctions.

Avec HuffPost Algérie + LeMonde + BDS France


Le président palestinien, Mahmoud Abbas a déclaré que la plus haute distinction palestinienne sera décernée à l'ancienne responsable des Nations Unies, Rima Khalaf, pour sa courageuse position en faveur des Palestiniens, ont rapporté des médias locaux.

Abbas a informé Khalaf de sa décision lors d’un entretien téléphonique, et lui a adressé ses félicitations pour sa défense de l'humanité, et des vraies valeurs du droit international, a rapporté l'agence de presse officielle, "Wafa".

Khalaf a démissionné vendredi de son poste de Secrétaire exécutif de la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l'Asie occidentale (CESAO) après que le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, l'ait contrainte à retirer un rapport qualifiant Israël de régime d'apartheid.

Abbas a déclaré que les Palestiniens apprécient les positions humanitaires de Khalaf, car elle a refusé de couvrir les crimes commis par les autorités israéliennes d'occupation contre le peuple palestinien.

Le rapport publié mercredi dernier, avait conclu qu’Israël a établi un système d’apartheid contre le peuple palestinien dans son ensemble.

Le rapport de la CESAO a été rédigé par Richard Falk, expert en droit international et ancien rapporteur des Nations unies pour les droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés, et Virginia Tilley, professeur de science politique et expert en affaires israéliennes.


La lettre de démission de Rima Khalaf, secrétaire exécutive de l’ESCWA (commission économique et sociale pour l’Asie de l’Ouest)


Cher Monsieur le Secrétaire Général,

 

J’ai considéré avec attention votre message transmis par le Chef de cabinet et vous assure que je n’ai à aucun moment remis en question votre droit de retirer la publication du rapport de notre site internet ou le fait que nous tous, travaillant pour le secrétariat, sommes soumis à l’autorité du secrétariat général. Tout comme je n’ai aucun doute concernant votre engagement envers les droits de l’homme en général, et votre position ferme concernant les droits du peuple palestinien. Je comprends aussi vos préoccupations, particulièrement dans ces temps difficiles qui vous laissent peu de choix.

 

Je ne suis pas insensible aux attaques vicieuses et aux menaces qui pèsent sur les Nations Unies et sur vous personnellement de la part d’importants Etats Membres en réponse à la publication du rapport de l’ESCWA intitulé « Les pratiques d’Israël envers les Palestiniens et la question de l’apartheid ». Je ne trouve pas surprenant que de tels Etats Membres, qui ont maintenant des gouvernements qui se préoccupent peu des normes et valeurs internationales concernant les droits humains, aient recours à l’intimidation quand ils trouvent difficile de défendre leurs politiques et pratiques illicites. Il est normal que des criminels mettent la pression et attaquent ceux qui défendent la cause de leurs victimes. Je ne peux pas me soumettre à une telle pression.

 

Ce n’est pas en vertu de mon statut d’officiel international mais en vertu de mon statut d’être humain honnête, que je crois, comme vous, dans les valeurs et principes universels qui ont toujours été les lignes de conduite du bien dans l’histoire humaine, et sur lesquels une organisation comme la notre, les Nations Unies, est fondée. Comme vous je considère que la discrimination envers toute personne sur le motif de sa religion, de sa couleur de peau, de son sexe ou de son origine ethnique est inacceptable, et que de telles discriminations ne peuvent être rendues acceptables par les calculs de l’opportunisme ou du pouvoir politique. Je considère de plus que les peuples ne devraient par seulement avoir le droit de dire la vérité au pouvoir mais ils ont le devoir de le faire.

 

En l’espace de deux mois, vous m’avez demandé le retrait de deux rapports produits par l’ESCWA, pas à cause de fautes que l’on aurait commise dans ces rapports, et probablement pas parce que vous étiez en désaccord avec leur contenu, mais à cause de la pression politique exercée par des Etats Membres qui violent gravement le droit des peuples de la région.

 

Vous avez vu que les peuples de cette région vivent une période de souffrance inégalée dans l’histoire moderne, et que le nombre considérable de catastrophes aujourd’hui résulte du flot d’injustices qui furent ignorées, camouflées ou ouvertement approuvées par des gouvernements puissants à l’intérieur et à l’extérieur de la région. Ces mêmes gouvernements sont ceux qui vous mettent la pression pour faire taire la voix de la vérité et l’appel pour la justice présentés dans ces rapports.

 

Etant donné ce qui précède, je ne peux que maintenir les conclusions du rapport de l’ESCAW comme quoi l’Etat d’Israël a établi un régime d’apartheid qui recherche la domination d’un groupe racial sur un autre. Les preuves fournies dans ce rapport rédigé par des experts de renom sont nombreuses. Tous ceux qui ont attaqué ce rapport n’ont pas eu un mot pour son contenu. Je considère comme mon devoir de mettre en lumière le fait légalement et moralement indéfendable qu’au 21eme siècle existe encore un état d’apartheid, plutôt que de supprimer les preuves. En disant cela je ne clame aucune supériorité morale ou vision supérieure. Ma position est influencée par une vie d’expériences où j’ai vu les conséquences désastreuses pour la paix quand on bloque les plaintes des peuples dans notre région.

 

Je réalise que je n’ai que peu de choix. Je ne peux pas retirer maintenant un autre dossier des Nations Unies bien documenté et faisant suite à des recherches approfondies sur les violations graves des droits humains bien que je sache que des instructions claires du secrétaire général doivent être appliquées rapidement. C’est un dilemme que je ne peux résoudre que par ma démission pour permettre à quelqu’un d’autre de fournir ce que je ne peux fournir en bonne conscience. Je sais que je n’ai plus que 2 semaines à mon poste ; ma démission n’est donc pas destinée à exercer une pression politique. C’est simplement car je pense que c’est mon devoir envers les peuples que nous servons, envers les Nations Unies et envers moi même, de ne pas retirer un témoignage honnête sur un crime en cours qui est à la racine de tellement de souffrances humaines. En conséquence, je vous remets par la présente ma démission des Nations Unies.

 

Avec tous mes respects,

Rima Khalaf