La grève de la faim des prisonniers palestiniens et le droit international


Un document de la Campagne internationale pour la libération de Marwan Barghouti et tous les prisonniers politiques palestiniens,

 

" La grève de la faim des prisonniers palestiniens – Au-delà des récits et des discours, une perspective sur le plan du droit international "

traduit de l’anglais par Jean-Marie Flémal.

( Merci pour l'emprunt à nos amis belges de POUR LA PALESTINE )


Depuis le début de la grève de la faim, les responsables israéliens ont recouru à l’incitation, à des distorsions et à des mensonges contre les prisonniers palestiniens et leur grève. Ce document rassemble des notes émanant de sources internationales autorisées, y compris des institutions de l’ONU, le CICR et des organisations internationales renommées des droits de l’homme qui s’inscrivent en faux contre le discours officiel israélien et dénoncent les violations par Israël des droits des prisonniers palestiniens, violations qui ont débouché sur la présente grève de la faim.

Les arrestations de masse arbitraires

– Selon le Bureau central palestinien de statistique (BCPS), Israël a arrêté plus de 800 000 Palestiniens depuis 1967. C’est l’équivalent de 40 % de la population masculine des Territoires palestiniens occupés (1).

– Le taux de condamnation des Palestiniens devant les tribunaux militaires israéliens a varié de 90 % (2) à 99 % (3) ces dernières années.

– « Le cas de [Marwan] Barghouti a très clairement prouvé que, loin d’apporter la sécurité, les infractions au droit international ont par-dessus tout sapé l’autorité de la justice israélienne en jetant le discrédit sur sa façon de mener des enquêtes et sur les procédures qu’elle emploie (4). »

– « Les chiffres sont sidérants et suggèrent une politique d’ensemble visant à intimider et restreindre de façon significative les libertés des Palestiniens (5). »

– « Le recours largement répandu et systématique par Israël à l’arrestation et à la détention de Palestiniens fait partie de sa politique de contrôle de la population palestinienne et de suppression des droits de cette dernière (6). »

La grève de la faim

– « Les grèves de la faim constituent une forme non violente de protestation utilisée par des individus qui ont épuisé d’autres formes de protestation visant à mettre en évidence la gravité de leur situation. Le droit à la protestation pacifique est un droit humain fondamental (7). »

– « La partie de l’État devrait garantir que les personnes privées de liberté et qui s’engagent dans des grèves de la faim ne fassent jamais l’objet de mauvais traitements ou de punitions pour s’être engagées dans une grève de la faim et qu’elles puissent recevoir les soins médicaux nécessaires correspondant à leurs desiderata (8). »

Mettre un terme à la grève de la faim en répondant aux revendications légitimes des prisonniers et non en recourant à la force

– « La façon de mettre un terme aux grèves de la faim ne consiste pas à alimenter de force les grévistes de la faim mais d’aborder les violations des droits de l’homme sous-jacentes contre lesquelles les prisonniers protestent (9). »

– « Les mesures punitives d’Israël à l’encontre des grévistes de la faim, y compris le recours au confinement solitaire, l’empêchement de rencontrer des avocats, les raids, la confiscation des effets personnels et le transfert des prisonniers et détenus vers d’autres prisons, visent à faire cesser la grève de la faim par la force, sont illégales et doivent cesser (10). »

– « L’alimentation provoquée par des menaces, la coercition, la force ou l’usage de contraintes physiques sur des personnes qui ont choisi l’extrême recours de la grève de la faim pour protester contre leur détention, équivalent à des traitements cruels, inhumains et dégradants, quand bien même ils seraient destinés à leur être bénéfiques (11). »

– « [La partie de l’État devrait] prendre les mesures législatives et autres nécessaires pour garantir que les personnes privées de liberté, aptes à prendre des décisions informées et qui s’engagent dans des grèves de la faim, ne fassent jamais l’objet d’une alimentation forcée ou d’un autre traitement médical appliqué contre leur volonté, puisque ces pratiques peuvent équivaloir à de la torture ou à de mauvais traitements (12). »

Le 30 juillet 2015, la Knesset israélienne a promulgué une loi autorisant l’alimentation de force et, le 11 septembre 2016, la Cour suprême israélienne entérinait le caractère constitutionnel de cette loi. Tous deux se mettaient ainsi en infraction vis-à-vis du droit international, de la même façon que lors d’autres décisions concernant, entre autres, les annexions, les implantations et le mur.

Les revendications des grévistes de la faim palestiniens

– « Les revendications des grévistes de la faim sont fondées sur le droit international. Elles comprennent la cessation de la détention administrative, la cessation des mesures punitives, y compris le confinement solitaire, la cessation de la torture et des mauvais traitements, la cessation de la politique de négligence médicale délibérée, le respect de leur droit à recevoir des visites de leur famille, l’installation de téléphones publics qui peuvent être utilisés pour contacter les familles et la restauration des droits à l’éducation (13). »

– « Faites appel à la communauté internationale pour entreprendre des actions afin de garantir que les revendications légitimes de tous les Palestiniens détenus en Israël soient respectées (14). »

– « Réitérez l’appel de l’UE en faveur du plein respect par Israël du droit humanitaire international et des obligations des droits de l’homme envers tous les prisonniers (15). »

– « Nous insistons sur l’importance d’œuvrer pour une amélioration des conditions de santé et des droits de l’homme des prisonniers palestiniens qui soit en conformité avec les normes internationales (16). »

– « Quel que soit l’endroit ou la base légale de leur détention, le traitement des prisonniers doit en toute circonstance être en conformité avec le droit international, y compris avec l’ensemble des règles minimales pour le traitement des prisonniers (17). »

Quelques-unes des revendications légitimes des prisonniers palestiniens :

Le respect de leur droit aux visites et contacts avec la famille

– « Israël contrevient à l’article 76 de la Quatrième Convention de Genève, qui interdit le transfert de prisonniers à l’extérieur d’un territoire occupé. Il en résulte que l’accès des membres de la famille à leur parent détenu est empêché (18). »

– « Le transfert illégal de prisonniers à l’extérieur du territoire occupé est utilisé pour justifier des restrictions injustifiées des droits de visite et il impose des épreuves désagréables aux prisonniers et à leurs familles (19). »

– « Les Palestiniens sont détenus en Israël, plutôt que dans le territoire occupé comme le requiert la loi sur l’occupation. Il en résulte que les membres de la famille ont moins accès à leurs parents détenus. Ils ont besoin de permis spéciaux et doivent entreprendre de longs trajets pour voir leurs êtres chers, avec des contrôles et des temps d’attente lorsqu’ils franchissent des terminaux ou lorsqu’ils entrent dans la prison (20). »

– « La politique israélienne, vieille de plusieurs décennies et consistant à détenir des Palestiniens issus de la Cisjordanie occupée et de Gaza dans des prisons à l’intérieur d’Israël et à les priver des visites régulières de leurs familles est non seulement cruelle, mais constitue aussi une violation manifeste des lois internationales (21). »

– « Les appels adressés aux autorités israéliennes à assumer leurs pleines responsabilités vis-à-vis du droit humanitaire international en ce qui concerne les contacts familiaux entre les Palestiniens détenus en Israël et leurs familles résidant dans les territoires occupés (22). »

– « Depuis 1968, le CICR facilite les visites familiales aux prisonniers détenus en Israël. Soyons toutefois très clairs, en ce sens que cela est avant tout de la responsabilité de l’État d’Israël en tant que puissance occupante (23). »

– « Selon la Quatrième Convention de Genève de 1949, les Palestiniens ont droit à ces visites, qui ne peuvent être limitées que pour des raisons de sécurité, sur base du cas par cas, mais jamais à des fins strictement punitives ou disciplinaires (24). »

– « Les autorités israéliennes doivent cesser d’imposer des restrictions excessives aux droits de visite en tant que moyen de punir les prisonniers et leurs familles, et elles doivent faire en sorte que ces conditions satisfassent totalement aux normes internationales (25). »

Cessation de la torture et des mauvais traitements

– « Les membres de l’armée et de la police israéliennes, ainsi que de l’Agence de sécurité d’Israël (ISA), ont soumis en toute impunité des prisonniers palestiniens, dont des enfants, à la torture et à d’autres mauvais traitements, particulièrement lors de l’arrestation et durant les interrogatoires. Les méthodes renseignées comprenaient tabassages, gifles et coups divers, menottages douloureux, privation de sommeil, utilisation de positions sous tension et menaces. Bien que les plaintes faisant état de tortures par des agents de l’ISA soient traitées par le ministère de la Justice depuis 2014 et que plus d’un millier de ces plaintes aient fait l’objet d’un dossier, aucune enquête criminelle n’a jamais été ouverte (26). »

Cessation de la détention administrative

– « Le haut commissaire de l’ONU a demandé itérativement à Israël de mettre un terme à la détention administrative et de cesser de garder des détenus palestiniens en dehors du territoire occupé (27). »

– « La pratique de la détention administrative est incompatible avec la législation internationale sur les droits de l’homme et il devrait y être mis un terme (28). »

– « [La détention administrative] est devenue une pratique largement répandue et systématique, avec des centaines de personnes détenues sans accusation ni procès chaque année, en infraction avec l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (29). »

Cessation du confinement solitaire

– « Faire en sorte que le confinement solitaire et des mesures équivalentes ne soient utilisés que dans des cas exceptionnels en tant que mesures de dernier recours, appliquées pendant un temps le plus bref possible et soumises à un examen indépendant, en conformité avec les règles internationales (30). »

Respect de leur droit à l’éducation

– En juin 2011, les Services pénitentiaires israéliens (IPS) ont décidé arbitrairement de priver tous les prisonniers politiques palestiniens de recevoir des cours de l’enseignement supérieur.

– Le 14 avril 2015, la Cour suprême israélienne a rejeté une pétition concernant le droit à l’enseignement supérieur des prisonniers politiques palestiniens détenus dans des prisons israéliennes (31).

– Cette décision a été adoptée en contravention avec les dispositions à ce sujet de la Quatrième Convention de Genève, y compris l’article 94, qui stipule que « toutes les facilités possibles seront accordées aux internés afin de leur permettre de poursuivre leurs études ou d’en entreprendre de nouvelles. L’instruction des enfants et des adolescents sera assurée ; ils pourront fréquenter des écoles soit à l’intérieur soit à l’extérieur des lieux d’internement (32). »

 NB - Toutes les notes et références en anglais sont sur le site : http://www.pourlapalestine.be/la-greve-de-la-faim-des-prisonniers-palestiniens-et-le-droit-international/