Ismaïl Haniyeh élu à la tête du mouvement palestinien Hamas


Le dirigeant, qui succède à Khaled Mechaal, sera confronté à l’isolement du groupe islamique armé, auquel tente de répondre sa nouvelle charte.

 

Un article de Piotr Smolar (correspondant à Jérusalem) du 06.05.2017

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Après un processus interne de quatre mois aussi complexe qu’opaque, la direction du Hamas est renouvelée. Ismaïl Haniyeh, 54 ans, prend la tête du bureau politique, succédant à Khaled Mechaal, qui occupait ce poste depuis 1996, a-t-on appris samedi 6 mai. L’élu l’a emporté face à Moussa Abou Marzouk et Mohamed Nazzal. Cette désignation a eu lieu dans le cadre de la Majlis Al-Choura, l’assemblée dont le bureau politique organe exécutif du mouvement est issu. Celle-ci regroupe une soixantaine de délégués représentant les militants de Gaza, de Cisjordanie, des camps de réfugiés en Syrie, en Jordanie et au Liban, ainsi que les détenus dans les prisons israéliennes.

La désignation d’Ismaïl Haniyeh, qui était le favori depuis de longs mois, est annoncée quelques jours après la publication de la nouvelle charte du Mouvement de résistance islamique.

Le Hamas cherche à sortir de son isolement sur le plan international, en validant dans un texte référence des évolutions en cours depuis des années. Il s’agit à la fois de ne plus prêter le flanc aux accusations d’antisémitisme, qui l’escortent depuis sa création, et de s’ancrer davantage sur la scène palestinienne. Le Hamas ne revendique plus de lien organique avec les Frères musulmans, sa maison mère. Au nom de la nécessaire réconciliation entre factions palestiniennes, il se dit prêt à accepter le principe d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967.

Pragmatique

Khaled Mechaal vivait en exil à Doha, au Qatar. Ismaïl Haniyeh, qui dirigeait jusqu’à récemment le mouvement dans la bande de Gaza, pourrait demeurer dans le territoire palestinien. Détenu à plusieurs reprises par les Israéliens depuis les années 1980, le nouvel élu est considéré comme une figure pragmatique – à l’échelle du mouvement islamique armé –, ce qui ne signifie nullement qu’il est enclin aux compromis. Il fut l’assistant du cheikh Ahmed Yassine, le leader spirituel du Hamas, échappant de peu à une tentative d’assassinat avec lui, en 2003. Devenu un haut cadre du mouvement, il fut désigné premier ministre au printemps 2006, avant d’être limogé en juin 2007 par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à la suite de la prise de contrôle violente du Hamas à Gaza.

Ismaïl Haniyeh a suivi une ligne dure, au cours des dix ans qui ont suivi, dans les tentatives de médiation et de réconciliation entre factions palestiniennes, veillant jalousement au contrôle de Gaza par son mouvement. Le 30 avril, il mettait en garde contre l’optimisme exprimé dans l’entourage de Mahmoud Abbas, au sujet de la volonté américaine de relancer des négociations de paix. « Les forces de la résistance constituent notre pouvoir et notre respect, et ne vous attendez pas à obtenir quoi que ce soit de Trump », a-t-il déclaré.

A la mi-février, Yahya Sinouar a été désigné comme le nouveau chef du Hamas dans la bande de Gaza, succédant à Ismaïl Haniyeh. Le contraste entre les deux hommes tient à leur parcours comme à leur attitude. A ce jour, les apparitions de Sinouar en public ont été très peu nombreuses, l’homme étant un vétéran de la clandestinité. A la fin des années 1980, il fut un haut cadre du Majid, une organisation créée aux origines du Hamas, chargée de pister les collaborateurs avec les services israéliens, puis de les exécuter. Il fut détenu pendant vingt-deux ans dans les prisons israéliennes.

Haniyeh, pour sa part, est une figure publique connue à Gaza, rompu à l’exercice médiatique, à l’aide au micro, sachant séduire un auditoire en lui disant ce qu’il attend. Il s’est préparé comme un véritable politicien à la succession de Khaled Mechaal, en menant campagne pendant cinq mois au Qatar. En janvier, il a aussi conduit une délégation du Hamas partie au Caire pour discuter avec de hauts responsables égyptiens des modalités d’une possible normalisation entre les deux parties. Filiale historique des Frères musulmans, le Hamas est d’autant plus mal vu par le régime égyptien que son aile militaire a développé des liens avec les djihadistes dans le Sinaï, notamment pour acheminer des armes.

Beaucoup de questions demeurent en suspens, concernant l’avenir du Hamas et les relations entre Sinouar et Haniyeh, même si les cadres du mouvement insistent toujours sur son mode de décision collégial. Quelles options seront prises concernant les liens avec l’Iran, qui reste le principal pourvoyeur d’armes potentiel ? Comment sera géré le dossier des deux civils israéliens, retenus à Gaza après avoir pénétré sur le territoire à l’été 2014 ? Enfin, combien de temps durera l’unanimité actuelle au sein du mouvement, selon laquelle une nouvelle guerre contre Israël n’est pas souhaitable dans l’immédiat ?